Space Brothers, quand le titre fait sens

Quand un auteur se lance dans une série, j’imagine qu’il doit se poser mille questions sur le titre de son oeuvre en devenir. Faire simple comme pour Dragonball ? Un côté un peu mystérieux comme Gunnm ? Céder à la mode wtf des titres à rallonges tels « Je suis tombée dans un jeu de harem inversé » ? (Un webtoon. Pas lu, c’est pour l’exemple.)

Certaines séries fleuves jouent une autre carte, celle du titre qui prend sens sur le tard. Cas d’école avec Space Brothers, manga de SF signé Chûya Koyama.

Flashback : enfants, Mutta et son petit frère Hibito rêvent d’aller dans l’espace. Retour au présent. Pour Hibito, la partie est déjà gagnée, il est devenu astronaute. Mais Mutta a pris du retard et le voilà simple aspirant astronaute. Examens en tous genres, compétition ou coopération entre candidats, pas facile de quitter la Terre. Mais Mutta ne lâche rien et grimpe une à une les marches de son rêve.

La série s’appelle Space Brothers pour une raison évidente. Et pourtant c’est l’exemple que j’ai choisi pour illustrer cette notion de « titre à retardement ». Parce qu’arrivé à un moment clé de l’intrigue, les personnages eux-mêmes se mettent à l’utiliser l’expression « Space Brothers ». C’est évidemment amené avec beaucoup d’émotion. J’ai vérifié à ce moment la jaquette de mon manga. Il s’agissait du tome 40. Un record. Yah man.

Bref, enfilez votre combinaison spatiale et lisez Space Brothers, c’est beau, c’est bon, c’est grand.

Demon, de Jason Shiga. La BD inracontable.

Attention, Demon est une BD pour public averti. C’est trash, c’est gore, c’est pas pour tout le monde.

J’avais envie de vous en parler parce que, précisément, je ne peux pas en parler ! Parce que spoilers, et que ce serait dommage.
Ou disons, juste les premières pages. Tout commence par un suicide. Jimmy Yee se pend. Puis, Jimmy Yee se réveille dans son lit, indemne et lucide. Perplexe, il récidive et s’ouvre les veines dans sa baignoire. Puis il se réveille dans son lit, indemne et lucide. Toujours aussi perdu, il trouve une arme à feu et…

Vous voyez la suite ? Vous y comprenez quelque chose ? L’explication arrive assez vite en fait, et c’est le point de départ d’une histoire complètement dingue. Une histoire sans aucune limite. Accrochez votre ceinture et embarquez dans un délire extrême.

Sandman : la meilleure BD ?

Sandman, de Neil Gaiman, la meilleure BD de tous les temps ?

L’idée n’est pas absurde. Tapez « Best comic ever » dans un moteur de recherche, Sandman apparaitra parmi les résultats. Le titre est américain, ceci dit. Faite la même recherche dans un contexte français (pour le franco-belge) ou japonais (pour les mangas) et le compromis ne sera pas forcément là. Faut aussi aimer le fantastique, les histoires sombres, horrifiques par moments, bref, on peut ne pas être d’accord.

Ce serait quoi la « meilleure BD » ? Comment on s’y prendrait pour la définir ? La plus vendue ? La plus traduite ? Celle avec les meilleures critiques ? Dès que le subjectif s’en mêle on n’est plus d’accord sur rien. Quoi qu’il en soit Sandman… Bref, juste lisez Sandman, avec un avertissement pour le côté horrifique.

Assez de détours. Sandman nous raconte l’histoire de Rêve, aussi appelé Morphée, le marchand de sable, Dream, il a bien des noms mais il est… attendez un peu… la personnification anthropomorphique du rêve. Ça ne s’invente pas (ou il faut s’appeler Neil Gaiman). Rêve EST le songe, littéralement, et quand vous rêvez vous êtes dans son royaume, que vous soyez un être humain, un animal ou que ne sais-je. Aussi vieux que la vie elle-même, il veille sur le Songe. Parfois, même si rarement, il lui faut intervenir.

Sandman nous plonge dans un univers contemporain (la série a débuté en 1989) où se croisent toutes les mythologies du monde. Personnages réels et fictifs interviennent au fil de l’histoire, une histoire dont le style et le rythme changent radicalement d’un moment à l’autre. C’est un voyage, c’est un conte, c’est une philosophie, c’est un mythe, c’est une religion.

« D’après une histoire de Stephen King »

Je ne vous ai pas encore parlé de Stephen King. Mais au fond, qu’y a-t-il a dire sur un auteur qui enchaîne les best sellers depuis 1976 ? Qui pond les romans à succès par dizaines ? Les nouvelles par centaines ? Qui est traduit dans plus de langues que n’en comporte le monde ? Adapté cent fois aux cinéma ?

A tiens voilà, le cinéma. Il y a des adaptations des livres de King de quoi remplir une médiathèque. Et pas toujours pour le meilleur.

« D’après une histoire de Stephen King » fait le point. Chaque roman, chaque nouvelle ayant reçu l’honneur du grand ou du petit écran est ici jeté en pâture à Matthieu Rostac et François Cau qui décortiquent, analysent, pas tendres s’il n’y a pas lieu de l’être. Ce qui est souvent le cas avouons-le. Mieux, les auteurs ne prennent pas plus de gants pour critiquer les romans et nouvelles d’origines, et ça fait du bien.

King ne change pas tout ce qu’il touche en or. Il est souvent trop bavard, ses intrigues s’étirent parfois inutilement, les conclusions de ses histoires ma laissent de temps en temps sur ma faim. Pourtant je ne m’en lasse pas. Je sais qu’avec lui je suis entre de bonnes mains. Ses fictions trépidantes, qu’elles soient horrifiques, fantastiques, fantasy, ou polar, sont toujours passionnantes. Sa plume est incroyable. Il y a cet effet « première page » complètement dingue, qui donne l’impression de se faire harponner en quelques lignes et de ne pouvoir poser le bouquin que 500 pages plus loin.

Finissons ce billet avec un petit conseil de lecture : 22/11/63, sa fiction sur Kennedy. Une tuerie. A lire d’urgence.

Beastars, la pertinence dans l’anthropomorphisme

J’ai toujours été perplexe face personnages animaux anthropomorphe dans les fictions. Une opinion alimentée par une question simple : pourquoi ? Pourquoi prendre un chat, un chien ou un ours, le rendre bipède, l’habiller comme un humain, le faire parler comme un humain et lui faire vivre des histoires d’humains ? J’avoue m’être fait cette idée à force de lire les mièvres histoires pour tout petits façon Petit Ours Brun, mais je suis curieux.

Peut-être une question d’identité graphique assumée, de paresse du dessinateur (i.e. les histoires de lapins de Lewis Trondheim) ou de mise à distance (i.e. Maus aurait été insupportable autrement). Ou juste l’amour pour les animaux.

D’un autre côté, il y a Anna et Froga. L’oeuvre dudit Lewis Trondheim. Des fois j’adore.

Je pourrai maintenant vous parler de Zootopie, le génial film de Walt Disney qui déconstruit le sujet. Mais j’ai retrouvé la même saveur en plus mature dans Beastars, et c’est mon sujet du jour (notez comme je suis plus bavard que d’habitude).

Je n’aurai jamais lu Beastars si on ne me l’avait pas conseillé. Parce que anthropomorphisme. Mais on me l’a bien vendu, j’ai emprunté le premier tome dans une médiathèque, qui m’a plu au point que j’ai enchaîné presque sans pause avec le reste de la série.

Beastars est un manga seinen en 22 tomes signé Paru Itagaki. Un monde proche du notre, mais où les humains cèdent la place, vous l’avez deviné, à des animaux anthropomorphes. Toutes les espèces sont représentées. Ça commence dans un lycée, avec un meurtre. Celui de Tem, un Alpaga, retrouvé mort et dévoré par un assassin non identifié. Les soupçons se tournent immédiatement vers les carnivores de son club de théâtre.

Le ton est donné : dans l’univers de Beastars les ‘herbis’ côtoient les ‘carnis’. C’est une société apaisée, même les loups et les lions se nourrissent avec des légumes et des céréales. Mais ceux-ci conservent leur instinct de prédateur, ils doivent composer avec leurs envies et frustrations. Il y a des accidents. Les herbis vivent ainsi entourés de prédateurs potentiels. Pourtant herbis et carnis vivent ensembles, partagent les mêmes préoccupations et les mêmes rêves, se lient d’amitié voire tombent amoureux.

Beastars est un manga exceptionnel. Les aventures de Legoshi et de ses amis mettent en permanence le lecteur an appétit, avant de le rassasier avec des rebondissements ou des révélations. Certains éléments narratifs m’ont tenus en halène tout du long.

D’abord, le dessin de Paru Itagaki est une franche réussite. Les personnages sont bien dessinés et immédiatement reconnaissables. En une image on en reconnait une espèce animale, mais aussi un sexe, un âge, une humeur et un état d’esprit général. Chapeau base la mangaka.

Il y a régulièrement un effet que je nommerais « page surprise ». Vous tournez une page, et un élément graphique vous prend au dépourvu. Le dessin occupe toute la page et vous fait dire « wow » par son effet inattendu. Révélations, retournements de situations, introductions de nouveaux personnages, je suis stupéfait et conquis.

Les thèmes abordés sont pertinents. Ces relations entre espèces animales nous renvoient à nos propres préoccupations. Sexisme, racisme, tout est là.

Je passe sur l’essentiel : l’intrigue est passionnante, les personnages sont attachants et bien développés, le rythme est soutenu. C’est un manga qui vous prend aux tripes et ne vous lâche plus.

Pour marquer le coup, j’ajoute un tag « coup de foudre » à ce blog, qui distinguera les oeuvres que je trouve incontournables des plus simples « coups de coeur ». Et je mets à jour mes précédentes chroniques.

Exemple de « page surprise » !

Et à la fin, ils meurent, de Lou Lubie

Les contes de fées. Que sait-on d’eux exactement ? Walt Disney à pris la place et posé un point de vue, moderne, adapté à son époque.
Voyage dans le monde des contes, de leurs origines dans l’antiquité, où la tradition orale était reine, en passant par leurs mises à l’écrit par des auteurs d’époques et de milieux différents. Quelles sont les différences entre ces versions des classiques ? Que racontent-elles sur leurs auteur et leurs époques ?
Évidemment, on va parler de messages, d’éducation, de racisme et de sexisme. On va parler pédagogie et divertissement. On va apprendre que les contes sont funs, mais que sortis de leurs contextes ils peuvent être franchement dégueulasses.

Flipette & Vénère, de Lucrède Andreae

C’est l’histoire de la jeune Clara, photographe parisienne, et de ses retrouvailles avec sa soeur Axelle. Axelle, c’est celle qui s’agite dans les squats, qui se bat pour les plus démunis et qui hurle sa rage à la face du monde. Forcément, Clara, elle a du mal à suivre, elle pour qui l’important est la galerie où elle espère exposer un jour.
D’un coup, on se dit qu’Axelle tient quelque chose. Que oui, la société est pourrie, qu’il faut tout faire les plus faibles et que les bien-pensants sont les vrais méchants de l’histoire. Que Clara, elle est bien molle face à toute cette noirceur.
Pourtant, à mesure que les personnages se développent, on réalise que tout ces laissés pour compte sont, eux aussi, à côté de la plaque. Drogués, défaitistes, à se complaire dans leur misère en crachant sur le monde entier.
Flipette & Vénère, c’est l’histoire d’un monde blanc et d’un monde noir qui peinent à se mélanger. Choisir le gris, c’est déjà un compromis. Et ça peut être dur.