Et voici la retranscription de mon entrevue pour Court-bouillon de culture. Comme ça, vous n’aurait pas besoin de pourrir votre historique de navigation pour la lire.
1) Jerkbook JF Pissard : Aussi vrai que Jésus est fils d’une mère vierge pénétrée de Dieu, et qu’il est né dans une crèche avec âne, bœuf et moutons le réchauffant de leurs souffles. Aussi vrai que les Rois mages ont cheminé le voir à pied en suivant l’étoile. Aussi vrai que l’enfant est né le 24 décembre à minuit. Aussi vrai que ceci que cela, le Père Noël existe, bien en chair sous son habit rouge, la barbe blanche impeccable, les lunettes sur le nez, prêt à faire sa tournée mondiale en rênes quand le 24 au soir arrive. C’est avéré. Je sais où est la maison du père Noël, en Laponie certes, mais il y a une succursale à cette adresse : ‘Le Hameau du Père Noël, Le Petit Pays (siège français), 610 route d’Annecy Jussy, 74350 Andilly. La Poste cautionne, elle livre du courrier. Alors, GILLES MONCHOUX, qu’est-ce que c’est que cette histoire de Père Noël qui aurait été révélé par Coca Cola. Avez-vous perdu la tête ? Le Père Noël existe bel et bien. Parlez-nous de votre approche du Père Noël dans votre livre à paraître aux Éditions Le Carnet à Spirales : ‘LES RÉVOLTÉS DE NOËL’ !
↪ Gilles Monchoux : Perdu la tête, moi ? Où donc est-ce que je parle de Coca Cola ? La naissance du Père Noël est un fait très bien documenté. Historiquement, elle nous renvoie à la publication d’un poème, aux États-Unis, en 1823. Ce poème d’auteur incertain s’appelle ‘The Night Before Christmas’, et fut écrit dans le contexte d’un melting pot où diverses croyances se côtoyaient. Pensez-donc, les dieux distribuent des cadeaux depuis des milliers d’années. Durant l’antiquité, déjà, le généreux et divin Odin faisait sa tournée. Au Moyen-Âge, Saint-Nicolas et le Père Fouettard se partageaient la tâche. Voilà plusieurs siècles que le rôle incombe à la chèvre Yule en Suède, à Befana la sorcière en Italie, à l’Homme de Noël en Allemagne. En France, nous avons le Père Chalande en Haute-Savoie, Tante Arie en Franche Comté, Olentzero au Pays Basque. On pourrait aussi parler des rois Mages, de sainte Lucie, de l’enfant Jésus, et poursuivre la liste encore longuement.
La réussite de ‘The Night Before Christmas’ fut de fédérer toutes ces croyances. En décrivant Saint-Nicolas sur un traineau tiré par des rennes, passant par la cheminée, distribuant des cadeaux et saluant son départ d’un jovial ‘Joyeux Noël à tous, et à tous, une bonne nuit.’, il a offert aux américains une figure populaire qu’ils ont tous adopté. Le père Noël est donc le successeur des nombreux donateurs de la religion et du folklore, qu’il a petit à petit remplacé.
Le père Noël des Révoltés de Noël est celui-là. Plutôt jeune dans sa profession, il accapare l’amour des humains après avoir mis ses ancêtres au placard.
Ah oui, Coca Cola, dites-vous ? Attribuer la paternité du père Noël à la marque de soda relève de la légende urbaine. Le vieux barbu en rouge existait bien avant les campagnes publicitaires des années 30. La puissance commerciale de la firme américaine a-t-elle joué un rôle dans la popularisation du père Noël de notre côté de l’Atlantique ? Peut-être, d’une certaine manière, on peut l’imaginer. Mais c’est bien là sa seule performance.
2) Jerkbook JF Pissard : Gilles Monchoux, comment avez-vous travaillé pour construire votre livre ? La recherche, la pré-écriture, les esquisses, la rédaction, le dessin ? Ce type de dessin est particulier, pouvez-vous en parler ? Le temps passé, la finalisation, l’édition (comment vous y êtes-vous pris ?) Des détails, SVP. Plein de détails…
↪ Gilles Monchoux : Un matin comme un autre je me suis levé, j’ai pris mon petit-déjeuner, une bonne douche, et je me suis habillé. Puis j’ai regardé par la fenêtre, rêveur. Une question m’est venue, sans raison. Et si les vieux donateurs existaient encore ? Les créatures mises au placard par le père Noël et la modernité, et si elles vivaient toujours ? Alors quoi ?
Pour un auteur, il n’y a qu’une seule façon de répondre à cette question. En inventant une histoire.
Bien sûr, l’idée de départ ne mène pas loin. On sent juste un potentiel, une graine qui demande à germer et devenir arbre. Mais une graine, c’est déjà beaucoup.
Le malheureux ignare que je suis s’est penché avec délice sur la question. C’était parti pour les recherches encyclopédiques ! Quelques lectures plus tard, je dressai une galerie de personnages hauts en couleurs qui faisaient le folklore de Noël.
J’utilisai ensuite la méthode dite ‘des flocons’ pour écrire le scénario de mon histoire. Partir d’un pitch d’une seule ligne, et l’étendre à trois lignes, trois paragraphes, une liste de chapitres, de personnages, etc. Ce fut le dur moment de faire des choix : quels personnages seraient à l’honneur, lesquels resteraient en arrière-plan, et quoi donc allait-t-il leur arriver.
Est venu le temps de l’écriture. Une question sous-marine hantait mon scénario : qu’est-ce que Noël ? Une fête religieuse ? Une opportunité commerciale ? Autre chose ? Je tentais d’y répondre en écrivant.
Pour la correction, j’ai fait appel à la communauté CoCyclics, un forum d’entraide aux auteurs, spécialisé dans les genres de l’imaginaire. J’ai sélectionné quelques chapitres, desquels j’ai reçu de nombreux commentaires. Je les ai tous pris en compte. J’ai procédé de la même manière, cette fois avec le texte entier, auprès de mon fan-club de filles (mon épouse, ma mère, ma sœur, ma nièce et une bonne amie).
Et puis quoi ? La recherche d’éditeur, bien sûr. Les soumissions par dizaine, et autant de refus. À ce stade, j’avais une telle estime de mon roman que les réponses me surprenaient. Comment diable un comité de lecture pouvait-il ne pas vouloir d’un texte aussi génial ! (Oui, l’auteur met sa modestie de côté pour soumettre).
Je ne remercierai jamais assez ma sœur Céline de m’avoir relayé l’appel à texte des éditions du Carnet à Spirale (un appel transmis par Facebook, mais gardons le sujet le sujet pour la prochaine question). Leur réponse positive m’a évidemment enchanté même si – orgueil d’auteur oblige – je trouvais assez normal que le comité de lecture ai trouvé mon texte bon.
De là, le travail change un peu, essentiellement parce que je ne suis plus tout seul dans mon coin. Je fais la rencontre d’éditeurs, de photographes, d’attachés de presse, il y a des corrections éditoriales à faire, des dédicaces à organiser, et des entrevues auxquels répondre (au passage, merci JF Pissard pour cet interview de haut vol).
La couverture des Révoltés de Noël est signée Loren Bes, illustrateur dont j’aime beaucoup le style ‘tordu’, et qui correspond bien à la nature de mes personnages. À la fois généreux donateurs et croque mitaines, ils méritent d’être dessinés comme cela.
3) Jerkbook JF Pissard : La promotion à venir, maintenant ! Et ces questionnements en valeur de tirage d’oreille. Gilles Monchoux, vous avez quarante ans (jeune et dynamique s’inscrivant dans l’époque). Vous êtes informaticien de formation (donc très au fait des technologies). Et vous n’avez pas de compte FACEBOOK. Fort de café, quand même. Lorsqu’on a voulu vous trouver pour vous interviewer, on a remarqué une Céline Monchoux sur Facebook. « Peut-être sa femme ? » « Non, sa sœur ! » On a pris contact avec elle, au jugé. Elle a répondu en nous communiquant votre email. Et d’une : Bien gentille la sœur, elle a peut-être d’autres choses à s’occuper ! Et de deux : Gilles Monchoux, du fait de votre lancement dans le métier, êtes-vous bien responsable et sérieux ? Répondez en détail, SVP.
↪ Gilles Monchoux : Vous savez, je pianote sur un clavier depuis plus longtemps que la moyenne. Je n’étais pas un pionnier, mais je communiquais via Internet bien avant que tout le monde ne s’y mette. On était nettement moins nombreux sur la toile. On utilisait des forums Usenet, les courriels ne contenaient que du texte, et chacun y allait de son petit site perso. Les technologies ont un peu évolué en vingt ans. Plus besoin de programmer soi-même ses pages, tout est préinstallé, tout se configure facilement. Place à la créativité. Je possède un blog d’auteur et une adresse mail, et je suis actif sur quelques forums, au fond cela revient au même.
Mais vous, JF Pissard, vous me parlez de Facebook. Personnellement, je ne m’en suis jamais approché, ne m’y suis jamais intéressé, et si je le fais un jour, ce sera pour cela : parce que tout le monde s’attend à ce que j’y sois.
Pour l’instant, j’ai de la chance. Dans mon cercle familial et parmi mes amis, personne ou presque n’utilise Facebook. Si besoin, on s’envoie un bon vieux mail. Ça marche toujours aussi bien, vous savez. Peut-être qu’un jour tout le monde autour de moi aura vendu son âme à Facebook et me mettra la pression, mais pour l’heure ce n’est pas le cas. Être auteur m’y obligera-t-il ? J’espère bien que non. J’invite mes lecteurs à suivre mes aventures et à me contacter depuis mon blog.
Allez, j’arrête de tourner autour du pot. Je vous entends hurler, si si, ne niez pas. ‘Et pourquoi pas ?’ me dites-vous. J’ai déjà dit que je n’en voyais pas l’intérêt, vous soutenez que c’est incontournable.
Je vous renvoie votre argument. Je suis informaticien, très au fait des technologies, et je ne suis PAS sur Facebook. Cela ne vous met-il pas la puce à l’oreille ? Que penseriez-vous si votre concessionnaire automobile prenait toujours le bus ? Que votre cordonnier marchait pied nu ? Que votre fleuriste équipait sa maison de fleurs en plastique ? Ne seriez-vous pas curieux ?
Alors soyez curieux, s’il vous plait, et écoutez-moi (ou plutôt, lisez-moi).
Pour vous, Facebook est peut-être un formidable outil de communication permettant de mettre toute la planète en communauté. Moi, j’y vois surtout une société anonyme, privée, américaine, qui fait la main mise sur un secteur primordial de nos vies (la communication), avec un modèle économique basé sur l’exploitation invisible de données privées voire intimes. Le succès de Facebook est basé sur l’acceptation tacite de ses utilisateurs de leur donner ce que moi je ne veux pas leur donner : la liste de mes amis, mes préoccupations, mes loisirs, mes combats. Cela ne vous fait peut-être rien de donner tout ça à une société privée américaine dont l’objectif est de faire du profit. Je pense que vous avez tort, mais ça vous regarde. Par contre, désolé, mais moi je ne mange pas de ce pain là.
4) Jerkbook JF Pissard : Gilles Monchoux, vous êtes rêveur, créatif, imaginatif, à ce qu’il paraît. Bienveillant peut-être. Dans quelques mois c’est Noël, que pensez-vous que le Père Noël pourrait apporter à ces ex-enfants devenus grands ? Donald Trump, Kim Jong un, Bachard el-Assad, Vladimir Poutine, Angela Merkel, Emmanuel Macron, Élisabeth d’Angleterre. Que pourrait-il déposer sur la tombe de Simone Veil, de l’abbé Pierre, de Coluche ? Pensez-vous que le Père Noël et le pape François ont des entretiens, et d’après ce que vous en savez, que se disent-ils ?
↪ Gilles Monchoux : C’est de la triche, JF Pissard, ce sont là trois questions ! Il serait fort bon de faire des cadeaux aux ex-enfants devenus grands. Je ne crois pas que l’enfance quitte jamais qui que ce soit. L’adulte le plus sérieux a toujours son mini-moi quelque part au fond de lui. Le père Noël ferait bien d’aller les chercher et d’exprimer pour eux sa légendaire générosité. En d’autres temps, la liste que vous proposez recevrait plutôt la visite du père Fouettard, mais joyeux Noël ! Le père Noël gâte aussi les garnements et les enfants pas sage. Quelle bonne idée ! Le vieux barbu en rouge est omniscient, il sait tout des enfants. Lui seul connaîtrait le rêve frustré ou la madeleine de Proust de ces éminents personnages. Il saurait ainsi les mettre face à leur propre enfance innocente, les émouvoir jusqu’aux larmes, et leur redonner le goût, comme dirait Alexandre Astier, de ‘se battre pour la dignité des faibles’.
Une bataille que menaient d’autres héros avant de tomber au combat. Coluche, Simone Veil et l’abbé Pierre nous voient-ils du haut de leur nuage ? Parions que oui, et que le père Noël saura leur faire plaisir. Quel meilleur cadeau qu’une démonstration qu’on ne les a pas oublié ? Que non seulement cela, mais que leurs combats se poursuivent après eux, que la relève est assurée ? Je propose donc qu’on invite des gens. Des tas de gens, affamés ou repus, sans abri ou bien logés, hommes ou femmes. Et que tous ensemble on fasse une fête de tous les diables, là, sur la tombe des héros, qu’on chante, qu’on rit, qu’on danse, pour eux, pour nous, du crépuscule jusqu’à l’aube.
Si le pape François reçoit le père Noël, c’est en toute discrétion. Le sacré et le laïque se mêlent assez mal ces temps-ci. Mais gageons que oui, rarement, furtivement, ils se voient. Comment en serait-il autrement ? Ils pensent tout le temps l’un à l’autre. Gageons qu’ils profitent de cet exceptionnel moment d’intimité pour relâcher un peu la pression. J’imagine bien les deux hommes retirer bonnet rouge et calotte blanche, s’asseoir dans un fauteuil et, une fois dans l’année, loin des feux de la rampe, parler librement. Le donateur pourrait médire des enfants et de leur vilaines farces, le souverain pontife parlerait en mal de ses fidèles, puis ils parleraient de la pluie et du beau temps, se raconteraient quelques blagues grivoises, joueraient une partie d’échecs, et se donneraient des tapes dans le dos. Puis, un soupir, l’un reprend son bonnet, l’autre sa calotte, et à l’année prochaine. Bien sûr, comme il en était peut-être de Voltaire et Rousseau, rien d’officiel, rien d’historique.
5) Jerkbook JF Pissard : Noël bientôt, et ces dizaines, centaines, milliers d’auteurs en devenir qui espèrent percer et voir concrétiser leurs projets. Que leurs dites-vous en tant que connaissance du Père Noël ? L’attente est grande, et vos mots ne pourront pas être banals. Répandez-vous et faites ici ces cadeaux verbaux qui font plaisir et qui encouragent. Merci.
↪ Gilles Monchoux : Auteur en herbe, auteur du dimanche, auteur maudit, Joyeux Noël ! Être écrivain, c’est être un sage. C’est savoir passer de longues heures à écrire pour le pur profit des lecteurs. Une telle abnégation se récompense, ouste père Fouettard, c’est le père Noël qui s’en charge. J’ai plein de choses dans ma hotte.
Mon premier cadeau : des félicitations. Ton roman est bon l’ami ! S’il te plaît, ne me tourne pas le dos. Bien sûr que je n’ai pas lu ton texte, et pourtant je me doute qu’il est bon. Tu as fait tout ce qu’il faut, n’est-ce pas ? Tu y as mis tout ton cœur ? Tu l’as fait relire et as intégré les corrections qu’on t’a suggérées ? Je suis admiratif de tous ceux qui écrivent. C’est une tâche difficile et ingrate. Tous ceux qui terminent leur projet méritent d’être lus. Le seras-tu un jour ? Voyons-voir ce que j’ai dans ma hotte…
Mon deuxième cadeau : un réconfort. Un éditeur a refusé ton manuscrit, n’en conclus pas qu’il l’a jugé mauvais. Si on te l’a renvoyé, cela n’a rien à voir avec sa qualité. C’est en fait une simple question de timing. Quand il a reçu ton manuscrit, l’éditeur s’est d’abord demandé si ton texte s’intégrerait dans son planning. Et il a décidé que non. Il avait d’autres manuscrits sous le coude, pas forcément meilleurs, mais plus en phase avec ce qu’il cherchait. En aurait-il été de même un an plus tôt ou un an plus tard ? Impossible de savoir. Tu as sûrement joué de malchance. Mais n’oublie pas ceci : tous les nouveaux auteurs ont trouvé l’éditeur de leur premier roman en le leur soumettant au bon moment. Ni trop tôt, ni trop tard.
Laisse-moi te donner un bon conseil en guise de dernier cadeau. Sachant ce que je viens de te dire, tu sais comment devenir un auteur édité. N’oublie jamais que tes textes sont bons, cherche toujours à t’améliorer, et continue de les soumettre, les uns après les autres, auprès d’un maximum de maisons d’édition. Tout ce qu’il te manque, c’est un coup de chance, celle d’arriver au bon endroit, au bon moment, avec le bon texte. Et pour cela, multiplier les opportunités.
Joyeux Noël à tous, et à tous, une bonne nuit.